L’Onychogomphe de Cazuma (Onychogomphus cazuma), la dernière et insoupçonnée libellule découverte en Europe, est une espèce rare, limitée jusqu’à présent à l’est de l’Espagne. Nous avons eu la chance de localiser une nouvelle population en Andalousie.
Femelle Onychogomphus cazuma (photo empilée)
G3-guides a connu le privilège d’organiser deux tours dédiés aux libellules dans le sud de l’Espagne à la fin du printemps 2023, avec, d’abord, des membres du groupe flamand d’odonatologie Libellenvereniging Vlaanderen (Belgique) suivi par une délégation de la Société hollandaise pour l’étude des libellules Nederlandse Vereniging voor Libellenstudie (NVL). Le voyage a été l’occasion de visiter quelques unes des meilleures localités d’Odonates de Málaga et produire une longue liste de données naturalistes, indispensables pour le suivi à long terme des populations de libellules. Dans cet article, nous nous concentrerons sur la découverte majeure de ces expéditions : la localisation d’une population d’Onychomphus cazuma, espèce nouvelle en Andalousie.
Distribution de l’onychogomphe de Cazuma en 2023
Cette découverte a été entièrement rapportée dans Discovery of a population of Onychogomphus cazuma in Andalusia, Spain, un article publié dans le récent numéro de Notulae Odonatologicae (voir résumé) par Prunier et De Knijf. Nous aimons particulièrement cette revue scientifique réalisée de manière totalement indépendante par Osmylus Scientific Publishers et une équipe experte d’odonatologues. Un journal scientifique international établi et pouli par ses éditeurs comme une œuvre artisanale est tout à fait unique dans le secteur de l’édition universitaire « industrielle ».
Habitat de reproduction en Andalousie
Notre article est assez détaillé, nous ne le répéterons donc pas ici. Le point de départ de cette recherche fut une photo mystérieuse prise en 2010 et publiée sur Observation.org qui ne pouvait pas être correctement identifiée à l’époque. Après qu’Onychogomphus cazuma ait été décrit comme espèce nouvelle pour la science par une équipe espagnole, cette donnée a fait surface mais l’identification n’était toujours pas concluante. Une visite préliminaire des lieux a permis d’identifier des habitats potentiels pour l’espèce… Et à notre émerveillement, nous avons effectivement trouvé la libellule au « seul endroit où je pense qu’elle pourrait se reproduire« .
genitalia secondaire du mâle
Dès notre arrivée sur le site, nous observons des exuvies et des larves en phase d’émergence. Nous avons eu la chance que notre visite coïncide avec une période de forte émergence des gomphidés en Andalousie, juste après les fortes pluies de la mi-mai. Comme naturalistes, nous ne nous concentrons pas uniquement sur les libellules adultes, mais étudions également les exuvies, généralement la meilleure option pour détecter des espèces rares. Grâce à la caractéristique unique du masque larvaire entre les Onychogomphus espagnols, il fut rapidement clair que nous avions touché au but. Au début, nous ne savions pas s’il pouvait s’agir d’une nouvelle espèce… Mais lorsque les spécimens ont été correctement observés à fort grossissement, la seule option qui restait était Onychogomphus cazuma. Quelle découverte remarquable.
Cazuma’s habitat in Málaga: attractive seepage by the road-side
Surgencia del Tajo del Buitre : un suintement au bord de la route qui attire le regard par sa végétation luxuriante… et un habitat vraiment restreint. En conséquence, la seule population andalouse connue d’Onychogomphus cazuma doit être extrêmement petite (je pense personnellement qu’elle est d’environ 50 individus ou même moins). Faut-il publier une telle découverte avec autant de détails ? Cette question m’a hanté plusieurs semaines. Allons-nous améliorer ou empirer la conservation de l’espèce en diffusant la nouvelle ?
Le trafic intense constitue une réelle menace pour la population
Le site est exposé au passage des bus. Avec l’ouverture récente du très médiatisé Caminito del Rey, les conditions ont énormément changé localement et le trafic sur la route traversant le Desfiladero de los Gaitanes est actuellement très élevé. Nous n’avons découvert cette population que lorsqu’elle est déjà confrontée à une sérieuse menace.
What’s next?
Détecter bien sûr de nouvelles localités pour l’espèce dans la chaîne de montagnes Bétiques. Cela ne peut être réalisé qu’en se concentrant sur l’habitat spécifique de l’espèce en Andalousie. Les suintements permanents (qui ne gèlent probablement pas, difficile à trouver dans les massifs montagneux comme Cazorla et la Sierra Nevada) sont rares dans notre région méditerranéenne et fortement impactés par le réchauffement climatique. Serons-nous capables de détecter de nouveaux sites ?
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