Profitez de la migration en Andalousie
Des millions d’oiseaux traversent la Méditerranée deux fois par an pour transiter entre leurs territoires de reproduction européens et leurs aires d’hivernage africaines… Ils ne sont pas seuls, accompagnés d’immenses quantités d’insectes également migrateurs qui passent souvent inaperçus.
La migration des vertébrés
Quand on pense au phénomène des migrations sur le continent européen, des bandes de cigognes viennent immédiatement à l’esprit… Suelement une minorité d’espèces d’oiseaux réside sur un territoire donné toute l’année, toutes les autres réalisant des mouvements saisonniers de longue distance. Ces migrations sont principalement motivées par le manque de nourriture dans les hautes latitudes pendant l’hiver et se distinguent d’une simple dispersion en ce qu’ils impliquent un itinéraire parcouru deux fois par an. Le même individu effectue un voyage du sud au nord à la fin de l’hiver pour inicier la reproduction, et un autre voyage du nord au sud lorsqu’elle finalise.
Certains haut lieux pour l’observation se distinguent car les oiseaux s’y rassemblent en grand nombre avant de passer un obstacle. Le « goulet d’étranglement » le plus célèbre d’Europe n’est autre que le Détroit de Gibraltar, où des millions d’oiseaux « sautent » entre l’Europe et l’Afrique. N’oublions pas les mouvements de la faune marine (oiseaux marins, cétacés, poissons), plus difficiles à étudier par l’observateur de la nature, qui croise également le détroit entre la Méditerranée et l’Atlantique.
Citons enfin les mammifères, et notamment les chauves-souris qui réalisent des migrations entre colonies de reproduction et d’hibernation, courtes et régionales pour la plupart des espèces ou à l’échelle continentale pour quelques espèces telle la Noctule commune (Nyctalus noctula). Parmi les mammifères terrestres, les ongulés réalisent des déplacements saisonniers de courte distance dans les zones montagneuses andalouses, même s’ils sont aujourd’hui le plus souvent coupés par des clôtures cynégétiques.
Rapaces et cigognes dans le Détroit de Gibraltar


Espèces de grande taille, d’activité diurne et à vol plané (c’est-à-dire avec peu de battements d’ailes), qui profitent des courants thermiques ascendants formés uniquement par convection du rayonnement solaire absorbé par le sol. Les routes migratoires de ces oiseaux minimisent le transit en mer, où ces ascendances thermiques ne se forment pas, forçant ces oiseaux à un type de vol battu.
Le détroit de Gibraltar est l’un des points de passage les plus importants entre les hémisphères nord et sud, traversé par entre 300 000 et 500 000 planeurs provenant d’Europe occidentale: un tiers de cigognes et deux tiers de grands rapaces. L’étape printanière pré-nuptiale est plus allongée (février-juin), comptant moins d’individus (uniquement des individus matures), tandis que l’étape automnale post-nuptiale s’enrichie des jeunes de l’année et est généralement plus concentrée (août-septembre). Les mois de juin et de novembre jusqu’en février sont les plus calmes en terme de migration. La migration d’automne impressionne surtout par ses groupes très fournis, surtout si le mauvais temps les bloque pendant plusieurs jours du côté européen. Cependant la prénuptiale offre le spectacle émouvant de l’arrivée des oiseaux en Europe, épuisés et arrivant à très basse altitude, et est généralement plus dense durant le mois de mars.
Les espèces suivent un ordre établi, dont la Bondrée apivore (Pernis apivorus) est un excellent marqueur avec sa migration de courte durée et abondante (100 000 exemplaires): c’est la dernière espèce à migrer vers le nord (pre-nuptiale) et quasiment la première à finaliser la post-nuptiale. Quant à la migration des cigognes blanches, elle devient complexe au point de rassembler en fin d’été des groupes en migration post-nuptiale (cigognes nord-européennes qui descendent en été selon le schéma classique), des groupes en migration pré-nuptiale (cigognes méridionales les premières à descendre et qui reviennent très tôt d’Afrique) et les cigognes qui ne traversent plus le détroit vers l’Afrique.


Cigogne blanche


Milan noir


Cigogne noire


Percnoptère


Circaète


Aigle botté


Épervier


Vautour fauve


Bondrée apivore
Récapitulatif de la saisonnalité des grands planeurs dans le détroit de Gibraltar

Passereaux

Migration massive de 30 à 50 millions d’oiseaux par an, mais ce phénomène passe largement inaperçu car il se produit surtout la nuit. Plus d’infos plus tard 😉
Oiseaux marins d’Andalousie


Migration visible tous les jours de l’année avec environ 35 espèces d’oiseaux marins et côtiers fréquentent le littoral du Détroit de Gibraltar et la Mer d’Alborran dont la très forte productivité attire les oiseaux qui y trouvent une zone d’hivernage d’importance internationale.
– Puffin cendré (Calonectris diomedea) > 600 000 oiseaux.
– Puffin des Baléares (Puffinus mauretanicus) >23 000. 100% de la population mondiale passe par le détroit.
– Petit Pingouin (Alca torda) >30 000.
– Fou de Bassan (Morus bassanus) >100 000.
Meilleurs spots sur le Détroit de Gibraltar: Punta Carnero et Tarifa. Autres spots d’intérêt majeur en Andalousie: Littoral de Doñana, Phare de Chipiona (Cádiz), Calaburras (Málaga), Cabo de Gata (Almería). Meilleure référence.
Faune marine migratrice dans les eaux du Détroit


Bien que plus discrète et difficile à observer aux jumelles, on ne peut oublier la faune marine qui transite entre la mer Méditerranée et l’océan Atlantique, et dont le point d’observation idéal est évidemment le détroit de Gibraltar. Au contraire, la plupart des espèces animales dérivent transportées par les courants marins (plancton). Recenser la faune marine est une tâche extrêmement complexe, et pour cette raison, les chiffres suivants sont indiqués par ordre de grandeur, en tenant toujours compte d’une variabilité importante.

Cachalot
Parmi les sept cétacés communs et plus faciles à observer dans le Détroit, on compte deux migrateurs à grande distance qui sont les espèces les plus imposantes: cachalots (Physeter catodon) avec plus d’une centaine d’observations par an et rorquals communs (Balaenoptera physalus) avec moins d’une centaine d’observations annuelles.

Rorqual commun
Il existe très peu d’information chiffrée sur les tortues caouannes (Caretta caretta). Malheureusement elles ont disparu en tant que nicheuse régulière sur la côte andalouse.

Tortue couanne

Cachalot

Rorcual commun

Thon rouge

Tortue couanne
Parmi les poissons, citons le Thon Rouge (Thunnus thynnus), connu et pêché dès l’Antiquité, qui passe l’hiver dans les eaux froides de l’Atlantique Nord et revient à la fin du printemps dans les eaux chaudes de la Méditerranée pour se reproduire, après une migration de plus de 2 500 milles nautiques (> 4 500 km), en formant des bancs de plusieurs milliers d’individus. Proies favorites des orques du Détroit. Moins de 10.000 thons rouges sont pêchés chaque année dans les madragues. De nombreux autres poissons migrateurs, tels que l’espadon (Xiphias gladius), les anguilles (Anguila anguila) et bien d’autres espèces commerciales sont également migratrices. Bien que très mobiles, il semblerait que les populations atlantiques et méditerranénnes d’espadons ne franchissent pas le Détroit (même s’ils s’y nourissent) et ne se mélangent pas.

Thon rouge
La migration des insectes
Chez les invertébrés, la température corporelle varie directement avec l’environnement. Le froid hivernal, typique du climat tempéré, suppose une limitation sévère due au gel des tissus et à l’absence de ressources alimentaires. En général, les insectes survivent à l’hiver en entrant dans une phase de dormance temporaire (diapause) jusqu’au printemps suivant. Ces espèces réalisant leur cycle vital complet dans un territoire sont considérées comme résidentes.
D’autres insectes non résistants aux inclémences de l’hiver sont néanmoins capables de coloniser une région depuis les latitudes méridionales grâce à la capacité de dispersion des adultes ailés. Ces mouvement Sud Nord sont facilement détectables à l’échelle continentale lorsque les conditions sont favorables à des explosions démographiques d’insectes à grande capacité de vol. Lorsque en plus, l’existence d’un vol automnal Nord Sud est vérifiée, alors l’espèce es considérée comme migratrice de longue distance (définition stricte). Contrairement aux vertébrés, un même individu n’effectue pas les deux trajets et le cycle est réalisé par plusieurs générations (migration multigénérationnelle).
Une grande plasticité intra- et inter-spécifique déterminent une grande variabilité des situations entre les années et les latitudes… Le Vulcain (Vanessa atalanta) revient en Méditerranée à l’automne lorsque sa plante hôte (les orties) est à nouveau disponible et y produit une génération d’hiver, cependant ce papillon peut aussi entrer en diapause et survivre à l’âge adulte dans le nord de l’Europe. Autre exemple spectaculaire, le Monarque (Danus plexippus) est un migrant intergénérationnel de longue distance en Amérique du Nord, mais se comporte comme un résident dans le sud de l’Europe, où son aire de répartition est limitée par des conditions environnementales sans gel car cette population ne pas entrer en diapause.
Les migrations d’insectes sont souvent difficiles à observer et leur connaissance s’est énormément développée au cours des dernières décennies.
Papillons migrateurs en Espagne


Les entomologistes ont découvert il y a seulement quelques années que la Vanesse des Chardons (Vanessa cardui) est le lépidoptère à plus longue migration connue au monde, effectuant un voyage annuel entre l’Afrique de l’Ouest (Sénégal) et l’Europe du Nord (Scandinavie), et pouvant couvrir jusqu’à une distance de 14 000 km 6 générations. Le Vulcain (Vanessa atalanta) est un autre migrateur dont le voyage vers le sud se concentre sur la Méditerranée. D’autres espèces très communes et résidentes en Andalousie migrent également vers le nord de l’Europe, comme le Colias commun (Colias crocea), la Piéride de la rave (Pieris rapae), Piéride du chou (Pieris brassicae) et l’Azuré de la luzerne (Leptotes pirithous). Certaines espèces, plus rares dans le sud de la péninsule ibérique, semblent migrer localement comme le Petit nacré (Issoria lathonia). Dans quelques cas, la Méditerranée constituent la limite nord d’invasion d’espèces nord-africaines telles que la Piéride du câprier (Colotis evagore) et le Petit monarque (Danaus chrysippus).

Vanesse des chardons

Vulcain

Souci

Piéride de la rave

Azuré de la luzerne

Petit nacré

Piéride du câprier

Petit monarque
Papillons de nuits migrateurs dans la Péninsule Ibérique


Les papillons de nuit, 90% des lépidoptères, accueillent le plus grand nombre d’insectes migratreurs. Les plus puissants voiliers se trouvent dans la famille des Sphingidae: le Moro-sphinx (Macroglossum stellatarum), espèce peu banale et très facile à observer grâce à ses habitudes diurnes. D’autres migrateurs sont visibles en Andalousie: les adultes attirés par les lumières artificielles et les chenilles, aux couleurs remarquables, se nourrissant de leur plante hôte. Citons le Sphinx livournien (Hyles livornica), le Sphinx du liseron (Agrius convolvuli), le Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), le Sphinx de laurier-rose (Daphnis nerii) et le Sphinx phénix (Hippotion celerio), ce dernier très rare dans le reste de l’Europe. L’immense famille des Noctuidae accueille également de nombreux migrateurs, dont les plus abondants se nourrissent de plantes hôtes variées (polyphages) et ont souvent un impact ravageur sur les cultures agricoles, comme dans le cas de la Noctuelle méditerranéenne (Spodoptera littoralis) ou le Gamma (Autographa gamma), cette dernière facile à observer en raison de ses habitudes diurnes. Il existe bien d’autres espèces remarquables comme La Gentille / Écaille du Myosotis (Utetheisa pulchella) ou la Teigne des crucifères (Plutella xylostella). En effet, des dizaines d’espèces se reproduisent en Méditerranée et en Afrique et se dispersent vers le nord de l’Europe pendant l’été lorsque les conditions n’y sont plus défavorables.

Moro-sphinx

Sphynx livournien

Sphynx du liséron

Sphinx de laurier-rose

Noctuelle méditerranéenne

Plusia gamma

Écaille du Myosotis

Teigne des crucifères
Libellules migratrices dans le bassin méditerranéen


Il est aisé de constater sur le terrain la grande capacité de vol des libellules. Les adultes nouvellement émergés se dispersent vers des zones éloignées et y atteignent leur maturité sexuelle avant de recoloniser une zone aquatique favorable. Un petit nombre d’espèces effectuent des mouvements migrateurs bidirectionnels et en grand nombre d’individus, généralement des libellules se reproduisant dans les zones humides temporaires méditerranéennes ou sahéliennes. Doñana est la plus grande réserve européenne pour ces migratrices, dont les larves peuvent résister à une certaine salinité. C’est le cas de l’Anax porte-selle (Anax ephippiger): un petit nombre d’adultes colonisent Doñana à la fin de l’hiver depuis l’Afrique; la génération suivante est plus ou moins nombreuse selon les conditions locales et les années les plus favorables connaissent des explosions de démographiques à Doñana ou autres zones humides sahéliennes; l’espèce envahit alors le reste du continent, pouvant produire une troisième génération d’adultes dans les hautes latitudes. On ne sait pas si cette génération fait un voyage de retour vers le sud. Cette migration méridionale a été constaté chez l’Aeschne mixte (Aeshna mixta) qui se disperse depuis Doñana (avant son assèchement estival ou printanier) vers les montagnes arides du sud-est de l’Espagne et colonise de larges parties d’Europe occidentale. Troisième espèce : d’énormes groupes de Sympétrums à nervures rouges (Sympetrum fonscolombii) sont parfois observées à la fin du printemps, se déplaçant principalement le long de la côte en provenance de Doñana ou d’une autre zone humide sahélienne. Citons enfin Sympetrum sinaiticum, odonate typique des ruisseaux de l’arc méditerranéen espagnol, qui estive dans les montagnes avant de les recoloniser en automne.

Anax porte-selle

Aeschne mixte

Sympétrum à nervures rouges

Sympetrum sinaiticum
Criquets ravageurs dans le sud de l’Europe


Si la plupart des criquets (ordre Orthoptera – sous-ordre Caelifera) sont sédentaires, quelques espèces se regroupent en essaims pouvant atteindre des millions d’individus qui se déplacent à l’échelle continentale suivant une direction principale sans mouvement de retour et ne sont donc pas considérés comme des espèces migratrices au sens strict. On pourrait cependant argumenter que ces déplacements relèvent d’une stratégie de survie à long terme… Dans un premier temps, alors que la végétation herbacée se dessèche, les densités de criquets (en phase solitaire) augmentent ainsi que les contacts directs entre individus, qui déclenchent une réaction hormonale. Les générations suivantes changent progressivement d’apparence, acquérant une forme avec des ailes plus allongées et un corps plus robuste et foncé par pigmentation pigments de mélanine (phase migratoire). Ensuite, l’essaim commence à se déplacer sur de longues distances à la recherche de zones plus riches en nourriture… Ce phénomène se produit surtout dans les régions d’Afrique, avec des essaims de Criquets pèlerins (Schistocerca gregaria) pouvant même atteindre les îles Canaries. Quelques individus isolés ont été retrouvés en Andalousie. Bien que moins connus en Europe, les invasions de criquets ravageurs (« langostas ») n’étaient pas rares au du XXe siècle dans la péninsule ibérique: Criquet marocain (Dociostaurus maroccanus) et Caloptène de Barbarie (Calliptamus barbarus). On peut également citer le Criquet migrateur (Locusta migratoria), espèce résidente (sans phase migratoire) de nos jours en Europe occidentale et probablement originaire des plaines asiatiques.

Criquet pèlerin

Criquet marocain

Caloptène de Barbarie

Criquet migrateur
Mouches migratrices en Andalousie


Parmi les diptères / mouches (insectes caractérisés schématiquement par le fait d’avoir deux ailes), se distingue la famille des Syrphidae, insectes très semblables aux guêpes par leurs couleurs jaune et noir. Certains de ces syrphes sont de grands migrateurs et visitent régulièrement jardins et patios à la recherche de nourriture (nectar pour les adultes, pucerons pour les larves). Les syrphe ceinturée (Episyrphus balteatus), syrphe des corolles (Eupeodes corollae) et Syrphe porte-plume (Sphaerophoria scripta) ont un pic d’abondance très marqué au printemps et plus discret en automne. Ces espèces, de distribution principalement européenne, migrent en automne vers le sud, et en hiver dans les zones méditerranéennes chaudes (péninsule ibérique, Maghreb). De nombreuses autres espèces de syrphes sont également migratrices.

Syrphe ceinturée

Syrphe des corolles
